- Dis, Papy, est-ce que tu vas encore chercher des actes d’état civil tout l’après-midi sur l’ordinateur ? J’aime bien ça mais comme on l’a déjà fait hier, je préférerais qu’on aille se balader aujourd’hui.
- Bien sûr, Camille, pas de problème ! Laisse-moi juste le temps de prendre mon manteau.
- Attention, Papy, tu as fait tomber un document de ton bureau. Qu’est-ce que c’est ?
- Oh, ça... c’est une vieille carte routière qui m’a permis il y a plusieurs années de faire un voyage un peu particulier.
- Un voyage ? Où ça ?
- Eh bien, comme tu le sais, notre famille a des origines aux quatre coins de la France : j’ai un grand-père basque, un autre normand, une grand-mère provençale et la dernière iséroise. Tu te souviens, on a travaillé sur sa généalogie la semaine dernière et je te l’ai aussi montrée en photo ?
- Ah oui... elle portait une belle robe avec un tablier et une sorte de bonnet en dentelle sur la tête. Qu’est-ce qu’elle était belle !
- Exactement, c’est elle. Le hasard de la vie a fait que je n’étais jamais allé moi-même là où elle est née et où elle a grandi. Quand elle avait 23 ans, elle est tombée amoureuse d’un Normand qui était de passage, elle l’a épousé et ils sont partis vivre chez lui, en Normandie. Ni mes grands-parents ni mes parents ne nous ont ensuite beaucoup parlé de cette partie de notre arbre généalogique. Alors, un jour, j’ai décidé de découvrir par moi-même l’univers d’enfance de ma grand-mère. J’ai profité d’avoir des vacances pour prendre ma voiture et me lancer à l’assaut du Dauphiné !
- Le Dauphiné ?
- Oui c’est comme ça qu’on appelait l’Isère autrefois... tout simplement car le blason des seigneurs de cette province comportait… un dauphin !
- Je trouve cet animal merveilleux !
- Me voilà donc parti de Caen. Une fois passé Lyon, je décidai de quitter l’autoroute et d’emprunter les routes de campagne pour arriver à La-Côte-Saint-André, la petite ville où elle était née.
- Oh là là mais ce n’était pas trop long et ennuyeux ce voyage, Papy ?
- Pas du tout. Par exemple, peu de temps avant d’arriver à La-Côte-Saint-André, il m’est arrivé une petite surprise.
- Laquelle ?
- Eh bien imagine-toi qu’il y avait devant ma voiture et moi une série de plusieurs collines. J’étais ainsi obligé de monter puis de descendre avant de remonter encore…
- Ah comme des montagnes russes ? Ça devait être amusant ça !
- Exactement ! Et j’ai compris plus tard que tous les espaces entre ces collines avaient été creusés par de gigantesques glaciers qui descendaient jusque là il y a des milliers d’années. Quand les glaciers se sont mis à fondre, ils ont laissé ce paysage si particulier.
- Ah, on peut dire que c’est un peu comme si tu avais eu un tour de manège gratuit grâce à la Préhistoire alors ?
- (en riant) Oui voilà, on peut dire ça comme ça.
- Et ensuite, Papy ? Tu as fini par arriver à ta destination ?
- Oui et c’est là que j’ai enfin pu découvrir de mes propres yeux les paysages dans lesquels avait grandi ma grand-mère. Je suis descendu de la voiture et me suis assis sur un rocher. J’ai vu les lignes vert pâle que formaient les vignes, un vaste champ de blé qui ressemblait à un grand ruban, un bois sombre qui avait l’apparence du velours ; le rouge des tuiles des vieilles fermes, des touffes de trèfle tantôt vertes tantôt violettes, des colzas, jaunes comme des boutons d’or… et au loin, à l’Ouest, en levant la tête, j’ai vu les Alpes qui formaient une longue bande bleutée comme parsemée d’argent à chaque fois que la neige qui la couvrait étincelait au soleil.
- C’est magnifique, Papy! On dirait que tu parles d’un tableau.
- C’est marrant que tu emploies ce mot, Camille ! Je me souviens avoir eu exactement la même impression à l’époque : être comme devant une œuvre d’art. J’ai alors compris la chance qu’avait eue ma grand-mère de grandir dans un si bel endroit. J’ai ensuite repris la voiture pour arriver à La-Côte-Saint-André. Sur la place de mon hôtel, c’est la statue d’un homme célèbre qui m’a accueilli.
- Qui ça ?
- Hector Berlioz, un immense musicien français.
- Oh je le connais, on a écouté des extraits de ses œuvres l’autre jour en classe.
- Eh bien il est né à La-Côte-Saint-André comme ton arrière-arrière-grand-mère.
- Mais alors, Papy, nous sommes peut-être cousins avec lui ?
- Peut-être, oui… ! Bon alors, tu es prête, on va la faire cette balade ?
- Oh non, finalement je préfère qu’on reste ici. Continue à nous faire voyager Papy, s’il-te-plaît !
Julien pour les J&G
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