mercredi 19 novembre 2025

Q comme quenouille de la mariée

 Camille interroge sa grand-mère sur la quenouille enrubannée placée dans la vitrine du salon.

  • Elle me vient de mon arrière-grand-mère paternelle. Elle s’était mariée en 1896.

  • A quoi servait-elle ?

  • A filer la laine, le lin, le chanvre, c’est-à-dire à transformer leurs fibres en fil. On les enroulait sur la quenouille laquelle était tenue dans le creux du bras ou glissée dans la ceinture.

  • Tu l’as utilisée ?

  • Non, jamais ; je ne saurais même pas comment faire. Mon arrière-grand-mère était couturière et je ne suis pas certaine qu’elle l’ait elle-même manipulée. Toutefois, comme toutes les petites filles, elle avait dû être initiée par sa grand-mère qui la gardait lorsque ses parents travaillaient.

  • Mais alors pourquoi en détenait-elle une ?

  • Elle l’avait reçue lors de son mariage. C’était en effet la coutume à cette époque dans toute la France. Elle était souvent enrubannée et fleurie. Dans la plupart de nos provinces, elle était portée par un garçon d’honneur, en tête du cortège qui se rendait à l’église. Après la bénédiction nuptiale, la mariée devait montrer qu’elle savait filer, symbole de son futur travail de mère de famille. Elle la déposait ensuite à l’Autel de la Vierge dans l’église.

  • Elle l’a donc reprise après ?

  • Oui, mais pas immédiatement. La nouvelle épouse emportait cette quenouille chez elle, filait le lin ou le chanvre nécessaire, puis, le dimanche après les noces, venait la déposer sur l’Autel de la Vierge. Cette quenouille enrubannée y restait jusqu’à ce qu’une nouvelle mariée vienne la remplacer par la sienne.

  • Elle est vraiment belle et bien décorée pour un simple outil de travail.

  • Tu as raison. Ces quenouilles étaient spécialement confectionnées pour l’occasion. Elles avaient leur manche gravé au couteau, historié et enjolivé de dessins variés, de zigs-zags, de branches de feuillages et de fleurs en saillie.

On remettait également une telle quenouille à la marraine lors des baptêmes.

  • Y a-t-il un lien avec les statues de saintes porteuses d’une quenouille que l’on peut voir dans certaines églises ?

  • Oui et non. Ce sont souvent des patronnes des bergères comme sainte Solange ou sainte Geneviève. Mais en Touraine et en Poitou, les jeunes mariées déposaient leur quenouille non pas à l’Autel de la Vierge mais aux pieds de la statue de sainte Néomaye ou Néomoise. La légende raconte que cette jeune bergère, pour échapper à un seigneur qui la poursuivait, pria le ciel de la protéger. Aussitôt l’un de ses pieds prit la forme d’une patte d’oie ; le seigneur effrayé et horrifié s’enfuit. C’est ainsi qu’elle est désormais représentée.

  • Mamy, tu en connais des coutumes et des légendes ; j’aime tant t’écouter.


Philippe pour les J&G

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