Témoignage de Lionel Godmet sur le club de généalogie qu'il anime.
A la rentrée
scolaire 2019, j’ai proposé, une fois par semaine lors de la pause
méridienne, d’animer un club généalogie au collège de Soultz
(Haut-Rhin). Très vite une quinzaine d’élèves de tous niveaux
sont partis à la recherche de leurs ancêtres.
Depuis, chaque
vendredi, les élèves s’installent en salle informatique, mettent
à jour les informations collectées en famille les jours précédents
et par le biais des sites d’archives ou de bases de données,
cherchent à compléter leurs arbres généalogiques. Régulièrement,
le groupe se retrouve dans ma salle de classe pour dresser un bilan
sur l’avancée des recherches de chacun. C’est également
l’occasion pour moi de donner aux élèves de nouvelles pistes de
recherche : recensements, matricules militaires, ouvrages de
sociétés d’histoire locale…
Régulièrement
les élèves reçoivent un mail, avec des conseils et des
informations pour poursuivre leurs recherches personnelles. Ainsi
chaque élève sait, en principe, comment il va poursuivre son
travail lors de notre rencontre hebdomadaire.
Enfin, grâce à
l’application moodle, les élèves disposent sur internet d’une
page dédiée au Club généalogie. Les élèves y trouvent les liens
pour consulter les sites des Archives du Haut-Rhin et du Bas-Rhin,
une lettre type pour demander une copie d’acte en mairie, les
conditions pour obtenir le Brevet de jeune généalogiste. Dans un
dossier nominatif, je publie parfois des documents (articles de
presse, extraits d’ouvrages) ainsi que des actes déchiffrés,
traduits sur lesquels les élèves restaient bloqués. Cette
application les aide aussi à poursuivre leurs recherches en dehors
du temps scolaire.
Nous
bénéficions de la proximité du CRHF
situé à Guebwiller, ville voisine de Soultz. Aussi les bénévoles
de cette structure nous ont accueillis lors d’une demi-journée où,
sous forme d’un quizz, les élèves ont pu découvrir la multitude
de documents mise à la disposition des généalogistes. En juin
dernier, ils ont bénéficié d’une formation animée par madame
Doris Kasser-Freytag consacrée à la paléographie. Enfin les 16 et
17 octobre 2021, le CRHF a invité les élèves à exposer leurs
travaux lors du salon « l’Arbre dans tous ses états »
à Guebwiller.
De nombreux
élèves ont découvert qu’ils ont des liens familiaux entre eux.
Certains tissent une relation fraternelle avec leur nouveau cousin,
d’autres parfois accueillent l’information avec dépit… On ne
choisit pas sa famille ! De mon côté avec un
arrière-grand-père originaire de la zone de recrutement du collège,
je cumule avec 3 élèves, le statut d’enseignant avec celui de
cousin.
Je constate que
le club généalogie suscite aussi l’intérêt des parents qui
soutiennent et encouragent leurs enfants dans leurs recherches. Lors
des réunions parents/profs la conversation porte parfois autant sur
l’avancée des recherches en généalogie de l’enfant que sur son
bilan scolaire.
Les échanges
avec certains parents sont parfois particulièrement poignants, comme
avec ce père de famille originaire de l’île de la Réunion qui
s’interrogeait depuis de nombreuses années sur l’histoire de sa
famille. Les archives en ligne nous ont permis de mettre la main sur
l’acte d’affranchissement d’une aïeule. La copie de ce
document qui mentionne pour la première fois le patronyme de
l’ancienne esclave est désormais encadrée et accrochée au
domicile de cette famille.
Parmi les
difficultés rencontrées, je note la tendance de nos élèves à
recopier, sans les vérifier, les informations partagées sur
certains sites. Ils veulent, rapidement remonter le plus loin
possible, sans se plonger dans les archives numérisées. Sans cesse
il faut les y encourager. Sans cesse il faut leur rappeler que toute
information trouvée à un intérêt. Parfois ils oublient de
s’intéresser à un aïeul, maire de son village, commerçant,
tombé à Verdun…, qui mériterait des recherches plus
approfondies.
En Alsace, les
généalogistes font face à une difficulté supplémentaire qui
décourage parfois les élèves: la lecture des actes rédigés en
allemand et en écriture Sütterlin. Pour pallier cette difficulté,
c’est souvent moi qui m’y colle… et qui progresse en
paléographie et en allemand !
Enfin, avec des
ancêtres d’origines étrangères, le silence de certains parents
ou grands-parents brise parfois l’élan des élèves dans leur
volonté de connaître leurs ascendants. Il convient de leur faire
accepter cette situation et les inviter à réaliser d’autres
recherches, sur une autre branche familiale, sur l’origine de leur
patronyme, sur la généalogie d’une célébrité locale…
Indéniablement
cette activité permet aux élèves de mieux situer les événements
de l’histoire contemporaine. Elle favorise le travail en autonomie,
et aussi la coopération. Elle constitue également, pour reprendre
une expression chère à l’Éducation Nationale, une expérience
qui favorise le vivre ensemble.
Au collège de
Soultz, actuellement le club réunit une trentaine d’élèves
auxquels s’est ajouté un enseignant d’histoire géographie qui,
tout en débutant ses recherches généalogiques, accompagne les
élèves. Intervenant dans un deuxième établissement, j’ai lancé
en septembre dernier, au collège de Buhl, un club similaire. Il
réunit une quinzaine d’élèves également très motivés.
Bref,
animer un club généalogie en collège, c’est pour moi l’occasion
de partager une passion, c’est se lancer dans une aventure qui
enrichit autant les élèves que l’enseignant.